Devenir un bon collègue dans le milieu animal

Devenir un bon collègue est un sujet que l’on aborde peu voire pas du tout dans nos métiers en relation avec l’éducation et le comportement animal. Nous avons la chance d’avoir accès à de nombreux articles, webinaires, stages, conférences et cours pour devenir de bons éducateurs ou consultants en comportement animal auprès de nos clients, mais aussi de meilleurs professionnels en développant nos compétences auprès des animaux, mais nous n’avons que très peu de ressources pour devenir un bon professionnel auprès de nos collègues, pairs et mentors. Dans cet article, il ne s’agira pas de discuter de la fraction entre les éducateurs étiquetés positifs et ceux étiquetés traditionnels. Je vous partage uniquement mes idées personnelles sur ce qui est pour moi, une relation saine entre collègues bienveillants du monde animal.

Collègue ou concurrent ?

Dans notre société actuelle, la concurrence est définie de façon péjorative et est vue comme une barrière à abattre. Pour preuve, voici la définition du dictionnaire « Le Robert » :

Rivalité, compétition, dispute, que de mots forts pour évoquer une personne partageant pourtant notre passion pour ce travail d’éducation, qui a pour but de venir en aide à des individus de façon bienveillante.

Il me semble pourtant voir une certaine antonymie dans les mots bienveillance et rivalité.

De ce fait, parler de quelqu’un qui exerce le même métier que nous comme étant un concurrent nous engage dans une voie de rivalité, emprise aux émotions négatives et à la séparation.

Avec 80 millions d’animaux de compagnie en France, dont quasiment ¼ sont des chiens, c’est presque une maison sur deux qui comporte un éventuel besoin de contacter un professionnel de l’éducation ou du comportement animal.

Ce qui signifie que même en voyant la concurrence dans sa forme la plus pragmatique, à savoir « je dois gagner le marché pour pouvoir gagner ma vie », nous n’avons pas besoin d’entrer dans une rivalité pour y parvenir.

A contrario, la définition du mot collègue du dictionnaire « Le Robert » nous rappelle qu’il s’agit de confrères et consœurs partageant et exerçant la même fonction.

J’apprécie aussi le fait que les personnes venant du Sud emploient ce terme pour parler de camaraderie, dont l’un des synonymes est solidarité.

Avoir des collègues plutôt que des concurrents, c’est pouvoir :

·       Travailler en collaboration

Dans un domaine si vaste que l’éducation animale, pouvoir/savoir tout faire est impossible. Pour être un bon professionnel, comme je l’expliquais dans l’article « Pourquoi la pluridisciplinarité est essentielle pour l’éducation animale » (Article à retrouver ici ), il faut se spécialiser dans des domaines spécifiques et se consacrer à se former sur ceux-ci. Ainsi, si je suis consultante en comportement spécialisée dans les comportements réactifs, agressifs et phobiques, je travaille en collaboration avec un tas de collègues autour de moi, spécialisés dans d’autres thématiques. Instructeurs en soins coopératifs, éducateurs canins, consultants en comportements, vétérinaires comportementalistes, etc, sont mes alliés pour offrir de meilleurs services aux clients.

·       Trouver une communauté d’entraide

« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » - Balthazar Dadvisard

Pawsome, Educ & Zen, Alaska’s animal school, Nobody’s Perfect, Maison Dog, Crocs bien élevés, Lupi, Oh my pet, Le monde de Maïkan.
Les mentorés d’Animal Académie échangent sur les sujets inhérents au métier d’éducateur canin/consultant en comportement sur un groupe Facebook privé et se retrouvent en présentiel lors d’évènements ponctuels.

Quand, pour la première fois, on se retrouve coincé sur un cas d’éducation, de fitness ou de comportement animal, on réalise à quel point ce proverbe est percutant et pertinent.
Prendre un cas que l’on pense maîtriser, ça va vite, mettre en place un plan d’action que l’on pense pertinent, ça va vite, le voir échouer, ça fait mal.
A ce stade de notre carrière, deux options s’offrent à nous :
- Continuer seul au risque de mettre nos apprenants (clients humain et non-humain) en échec en voulant aller plus vite
- Trouver de l’aide auprès de notre communauté pour avancer et aller plus loin

A force de voir les professionnels qui nous entourent comme des concurrents, le risque est de choisir la première option, parfois par peur d’être jugé ou qualifié d’incompétent, parfois par égo. En voyant ces professionnels comme des collègues, nous pouvons être soutenus et obtenir un regard neuf sur une situation problématique et surtout, apprendre.

Il existe aujourd’hui de nombreuses communautés d’entraides pour les professionnels du monde animal (comme certains groupes Facebook destinés aux éducateurs canins, la communauté Muzo+ ou encore la communauté Animal Training Academy à l’international) et je les remercie tous pour ces superbes initiatives.

·       Faire avancer la cause animale

Plus nous nous considérerons comme des collègues et non des concurrents et plus notre voix commune portera haut, fort et loin. La plupart d’entre nous avons cette envie de voir l’éducation dite positive ou bienveillante devenir la norme demain.
Pour que le message passe auprès de nos clients, de nos followers, de nos lecteurs, de nos amis, des amis de nos amis, des autres professionnels, etc, notre communication auprès de nos propres interlocuteurs devrait être basée sur ce même principe de bienveillance.

Les qualités principales pour devenir un bon collègue

A présent que j’ai défini pourquoi il fallait privilégier le terme de collègue à celui de concurrent selon moi, je vais énumérer ce que je pense être les qualités principales pour devenir un bon collègue dans le monde de l’éducation et du comportement animal.

En 2022, j’ai eu l’immense joie de recevoir la médaille d'honneur de la Change Makers Foundation, qui reconnaît les personnes se consacrant profondément à l'amélioration du bien-être des individus grâce à l'application de la science en évolution, des meilleures nouvelles pratiques émergentes dans leur domaine. Les personnes sont nommées puis sélectionnées en fonction de l'ensemble de leur travail professionnel et du bénévolat non public.

Sur ma médaille, 6 qualités essentielles pour être nommé et sélectionné sont inscrites :
L’excellence, la compassion, l’engagement, la philanthropie, le courage et la résilience. Je vais toutes les évoquer dans la façon dont elle m’inspire et en ajouter davantage.

Si ces qualités sont essentielles pour être un bon professionnel (et un bon humain d’une façon générale à vrai dire), elles le sont tout autant pour être un bon collègue.

·       L’excellence et l’engagement

L’excellence implique d’avoir les compétences, les connaissances et l’expérience nécessaire pour travailler dans le domaine que l’on exerce.
De nos jours, les certifications qui offrent des « lettres à mettre derrière le nom » pleuvent sur la scène de l’éducation animale : CPBT, CBCC, FFCP, CSAT, CPPT, CPDT, FMD, et des dizaines voire centaines d’autres existent aujourd’hui.
Si les certifications sont, selon moi, une excellente façon de voir ses connaissances et compétences saluées, le phénomène que l’on observe de plus en plus ces dernières années, c’est la course « aux lettres à mettre derrière le nom ».

Pour que l’excellence soit reconnue, passer des certifications les unes derrières les autres ne fait pas de sens. Selon moi, nous devrions nous engager dans des formations, des apprentissages, mettre en application nos nouvelles connaissances sur le terrain, puis, une fois que nous sommes à l’aise dans un domaine, passer une certification pour faire reconnaître notre savoir dans ce domaine.

Être un bon collègue devrait impliquer de faire évoluer les connaissances globales de notre métier en valorisant ces certifications et non en les collectionnant.

·       La compassion et le respect de l’autre

La compassion et le respect, lorsque l’on parle de rapports à nos collègues, devrait être de prendre conscience, d’accepter et même d’embrasser le fait que nous n’avons pas tous le même niveau de connaissances, de compétences, d’expérience, que nous n’avons pas tous suivis les mêmes cours, formations, conférences ou stages, que nous n’avons pas tous les mêmes certifications dans un domaine.
Avons-nous réellement besoin de tous être des professionnels identiques, avec les mêmes formations, les même lettres après nos noms pour être valables et bons dans ce que nous faisons ? La diversité a toujours été ce qui nous a fait grandir dans un domaine.
Ainsi, affirmer qu’avoir suivi ou proposer le cours/la certification/la conférence X est bien meilleur que d’avoir suivi ou proposer le cours/la certification/la conférence Y ne fait sens que si l’on parle de marketing, pour attirer les clients et abattre la concurrence, éventuellement.
Dans les faits, notre métier a besoin de diversité, a besoin de personnes qui suivent des cours différents sur des thèmes différents. Nul besoin de diminuer le voisin qui n’a pas suivi CETTE ressource. Il en existe bien trop aujourd’hui pour juger d’une seule qui serait au-dessus de toutes les autres.

 « La diversité sous toutes ses formes est le chemin vers la grandeur » — James D Wilson

·       La philanthropie

J’avoue être toujours attristée quand je vois des coups de gueule ou autres engueulades sur les réseaux sociaux entre professionnels bienveillants du monde animal.
Lorsque l’on travaille avec les animaux non-humains, on met un poing d’honneur à utiliser les méthodes les plus agréables et les moins aversives possibles. Nous semblons parfois oublier cette approche dans nos relations avec les autres. Nous sommes pourtant tous soumis aux mêmes lois et principes fondamentaux de la science avec laquelle nous prétendons travailler au quotidien.
Pour moi, finalement, la philanthropie, qui est de façon résumée l’amour de l’humanité, devrait être un rappel de ce que nous apprend l’analyse du comportement, dont, entre autre : les étiquettes ne nous permettent pas de modifier un comportement et ne sont que le reflet de nos propres préjugés, les comportements renforcés se maintiennent, les meilleures méthodes de modification comportementales doivent être individualisées, bienveillantes et éthiques.
Il n’est pas vraiment étonnant que les professionnels du monde animal osent de moins en moins partager leur travail sur les réseaux sociaux quand on voit à quel point ces comportements peuvent être punis par notre communauté même. Le travail en lui-même de se filmer et d’oser partager est déjà compliqué en soi, mais quand en plus il faut vivre avec la crainte de se faire humilier par des pairs, je ne peux que comprendre que la visibilité de l’éducation dite positive ou bienveillante puisse être en baisse, en faveur d’autres courants d’éducation.

Un bon collègue devrait sincèrement apprécier les humains. Apprécier les humains ne signifie pas forcément être ami avec tous les autres professionnels du monde entier. Même en étant dans l’éducation bienveillante et philanthrope, nous avons le droit de ne pas avoir d’affinité avec une personne ou de ne pas nous sentir à l’aise en sa compagnie. Néanmoins, les étiquettes personnels que nous mettons sur une personne ne devraient pas aveugler l’importance du partage professionnel, du respect et de la bienveillance.

Si un collègue partage un contenu sur les réseaux sociaux et que :

- Nous apprécions ce contenu : nous pouvons liker, partager, féliciter

- Nous n’apprécions pas ce contenu : nous pouvons scroller et passer à autre chose

- Nous pensons pouvoir apporter une plus-value à ce contenu : nous pouvons contacter la personne en message privé et obtenir son consentement avant de lui proposer notre idée

·       La résilience et le courage

Le courage, c’est le fait d’agir malgré les difficultés. La résilience c’est la capacité à surmonter les épreuves difficiles.
Selon moi ces deux qualités devraient nous rappeler aussi que nous ne sommes pas seuls à subir les difficultés de notre profession et que si le courage et la résilience sont des qualités importantes, elles peuvent être (sup)portées par l’entraide de notre communauté.
L’égo est parfois ce qui abîme les relations professionnelles. Admettre que l’on a tort, savoir se remettre en question, prendre conscience qu’il nous reste tout à apprendre, même lorsque l’on a plein de lettres après son nom, c’est aussi ça le courage.

Vouloir être « en haut de l’affiche », souvent en court-circuitant ses collègues, parfois même en essayant de « prendre leur place », ne devrait pas être un objectif ni même un critère de réussite.
Pour être vu, apprécié, connu et reconnu par nos pairs, nous devrions faire appel à notre courage et à notre résilience, en partageant notre travail, en photos, vidéos, textes, en se remettant en question, en démontrant de notre soif d’apprendre.
Les opportunités professionnelles arriveront alors « seules », sans avoir eu à tenter de bousculer le destin.

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. - Pierre Corneille

·       La générosité

La générosité dans le partage est pour moi une qualité importante pour être un bon collègue. Je ne parle pas forcément ici de gratuité dans le partage d’informations techniques, mais surtout de répondre aux interrogations que d’autres collègues pourraient avoir.
Nous avons tous débuté, nous avons tous commencé un projet, nous avons tous eu envie d’avoir une main tendue pour nous aiguiller. Rendons ce que l’on a reçu et si nous n’avions rien reçu quand nous aurions aimé être aidé, cassons ce cycle en offrant de notre temps. Nous n’allons pas créer un concurrent, nous allons ouvrir une nouvelle voie à la bienveillance, au partage et à l’entraide dans notre profession.

·       Créditer, sourcer, référencer, s’inspirer

De plus en plus, je remarque des posts sur les réseaux sociaux évoquant des protocoles, des écrits, des articles (parfois des phrases entières, mot pour mot), des créations, etc, dont les auteurs initiaux ne sont pas cités.

Si la science est universelle, gratuite et accessible, il n'en reste pas moins extrêmement important de créditer, citer, référencer et tout simplement remercier nos sources.

Exemple de remerciements sur mon cours Face à soi-même, proposé sur Muzo+

Je suis moi-même confrontée à ce manque de reconnaissance très régulièrement et si je suis ravie de voir mon travail mis en application ailleurs, j’avoue ressentir un pincement quand je vois mes créations, qui m’ont demandé énormément d’énergie, de créativité, d’heures de travail, partagées sans me citer (il peut s’agir d’un outil de training que j’ai créé, d’un morceau d’un de mes cours, ou encore de photos/vidéos dont ma signature a été coupée).

Si nous trouvons un texte que nous plaît et nous inspire, et que nous avons à notre tour envie de partager ces mots, si nous trouvons un protocole intéressant dans un cours, une formation et que nous n’avions pas connaissance de cet outil avant, si nous demandons à un collègue de relire notre texte avant de le partager, si nous affirmons que la science démontre un fait, si nous sommes inspirés par la création d’un outil d’un collègue et que nous souhaitons le reproduire, pensons à créditer la personne qui a mis toute cette énergie dans la diffusion de cette ressource.
Peu importe le média de diffusion (articles, cours, réseaux sociaux, etc), être un bon collègue c’est créditer nos inspirations.
La question ici n'est pas de savoir si c'est légal ou non de s'approprier un texte, de s'inspirer des autres, mais de se montrer respectueux et bienveillant, tout en donnant l'exemple à nos différents publics. Cela n’entache en rien notre professionnalisme que d'être honnête et transparent, bien au contraire !
Je prendrais personnellement bien plus au sérieux une personne qui source ses écrits et s'inspire des autres qu'une personne qui poste un texte ou une vidéo laissant suggérer qu'elle a tout inventé, seule.

Montrons tous cet exemple, pour que remercier les auteurs originaux, les créateurs, les travailleurs, puissent devenir la norme de demain.

Exemple de crédits sur mon cours Analyse et Modification Comportementale, proposé sur Muzo+

Exemple d’inspiration sur ma page professionnelle Facebook, Animal Académie

Exemple de références sur ma page professionnelle Facebook, Animal Académie

Exemple de crédit sur ma page professionnelle Facebook, Animal Académie

Conclusion

En conclusion, selon moi, devenir un bon collègue dans le domaine animal c’est respecter ses collègues, leurs propres chemins, être bienveillant et accueillant, embrasser la pluridisciplinarité, avoir une bonne compréhension et application de l’éthique et partager.

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